À quoi pense-t-on en entendant «Bulgarie»? Il n’y a pas qu’à moi que cette question pose des problèmes. Sofia, la capitale, est plus ou moins tout ce qu’il me reste de mes cours de géographie. Le ski de randonnée? Aucune idée! Et la majorité des Européens sont dans le même cas. Mais il suffit de quelques clics sur Internet pour se rendre compte qu’il existe de belles montagnes en Bulgarie, et que le pays dispose d’un réseau de refuges similaire au nôtre, en Allemagne. Ces quelques infos ont suffi pour me convaincre de réserver un vol en direction de cet état des Balkans. Je peux d’ores et déjà vous dire que je ne regrette aucunement cette décision.
Il m’a fallu tout juste une heure et demie pour rejoindre Sofia à partir de Munich. Une fois mon paquetage récupéré, j'attends mes compagnons d'aventure avec qui je passerai les six jours à venir. Dan Patitucci, citoyen américain aux racines italiennes, est un photographe de sports alpins très connu dans le milieu. C’est lui qui a préparé et programmé tout le voyage. Sa femme Janine est comme toujours à ses côtés. Kim Strom, en provenance des USA, complète l’équipe. Il s’agit d’une grande spécialiste du trail, qui partage souvent et volontiers un bout de route avec les Patitucci. Nous rencontrons ensuite notre guide Georgy Georgiev, propriétaire de l'organisation FreeMountains, et c’est parti pour les montagnes!
Il faut compter environ deux heures de route pour rejoindre Bansko. Bansko? Selon mes vagues souvenirs, la Coupe du monde de ski alpin passe régulièrement par ici. Bingo! Diverses affiches géantes vantant les courses de Coupe du monde bordent l’autoroute qui mène à la station. La ville de Bansko, qui constitue un bon point de départ pour le ski de randonnée dans le massif du Pirin, n’offre par contre pas grand-chose de plus. La station de ski, édifiée selon le modèle américain, abrite des hordes d'Anglais venus pour skier et faire la fête. À partir de quatre heures de l’après-midi déjà, les rythmes d'euro-techno des années 90 résonnent au loin.
Une première excursion dans le «vieux» Bansko nous donne par contre un avant-goût des jours à venir. Nous sommes accueillis très cordialement dans les nombreux petits stands d’alimentation qui jalonnent les rues étroites de la cité. Il devient vite évident que la cuisine bulgare ne laisse que très peu de place aux légumes, et encore moins au sel. De la viande de porc, de poulet et d’agneau déclinée sur forme de saucisses, de steaks ou en version hachée nous est servie et nous attend aussi dans les refuges, nous assure Georgy. Pas de problème pour moi, mais Kim, qui est strictement végétarienne, fait déjà ses provisions de couscous et de flocons d’avoine.
Terrain de jeu idéal pour le free touring
Après un copieux petit déjeuner, nous embarquons pour une course en taxi d’environ 30 minutes en direction de Dobrinishte, où notre excursion à ski doit commencer. Georgy nous explique que l’hiver s’est montré très pauvre en neige jusqu’à ce point, mais que nous devrions pouvoir profiter d’un bon manteau neigeux à partir de 1'600 mètres d'altitude. Nous empruntons donc un télésiège pour prendre de la hauteur, au cœur d’un paysage qui rappelle fortement les Alpes allemandes. Les sommets présentent de jolies formes et le flanc des montagnes est recouvert de pins et de sapins noueux, jusqu'à la limite des arbres. Des pentes raides, de grands espaces et des couloirs étroits constituent un excellent terrain de jeu pour la pratique du free touring.
Georgy connait le massif du Pirin comme sa poche et il nous conduit avec assurance à travers ces impressionnants paysages jusqu'à notre premier refuge, qui nous hébergera durant deux nuits consécutives. Le refuge Tevno Ezero est situé sur un haut-plateau, au bord d’un lac évidemment gelé à cette époque. La journée se termine rapidement et nous observons à proximité, dans la lueur du soir, deux couloirs étroits inscrits au menu du lendemain.
Ciel radieux et chutes de neige
La journée est assez chaude et la neige se ramollit déjà à partir de dix heures du matin, mais la nuit fut assez froide et a fait geler la surface. Nous avons donc droit à une neige bien croûtée. Nous devons batailler ferme pour progresser et la descente des deux couloirs n’est pas particulièrement plaisante. Nous concluons notre journée relativement tôt en raison des conditions rencontrées.
La traversée jusqu'au refuge Demyanitza est au programme du troisième jour. Nous évoluons dans de longues vallées peu pentues, ou le vent semble s’être arrêté pour toujours! Le soleil printanier est brûlant et transforme la neige restante en vraie soupe, tout comme mon cerveau il me semble. Nous nous ravitaillons en coca une fois arrivés au refuge et profitons des dernières heures de la journée pour capturer avec nos appareils photo le décor idyllique qui encercle le refuge Demyanitza. Après avoir bénéficié d’un grand ciel bleu, la neige commence à tomber durant le repas du soir et nous levons un toast à ce moment privilégié.
Le matin suivant, le massif du Pirin a modifié son apparence du tout au tout. Ambiance hivernale, températures en dessous de 0°C et 30 centimètres de neige fraiche. Nous collons les peaux, faisons la trace dans la neige poudreuse et apprécions de belles descentes tout au long de la journée. Nous passons la nuit suivante dans le refuge Vihren. Il porte son nom en l’honneur du plus haut sommet du massif du Pirin, qui culmine à 2’914m d’altitude et qui est inscrit au programme de notre dernière journée dans la région.
Nous progressons sur la face sud-ouest glacée du Vihren l’aide de nos couteaux à glace, jusqu’à atteindre le sommet avec sa grande croix. La pente sommitale se présente à nous comme une grande plaque parsemée de blocs rocheux de toutes tailles. Mais avant de nous lancer dans la dernière descente de ce beau voyage effectué au cœur du massif du Pirin, Georgy pointe son doigt dans toutes les directions à l’horizon. Il nous montre les frontières avec la Serbie, la Macédoine et la Grèce, qui longent les crêtes de différents massifs montagneux. «Un de ces pays pourrait constituer mon prochain objectif pour une belle traversée à ski». C’est avec cette pensée en tête que j’enchaine les virages, jusqu’à nous retrouver tous ensemble à Bansko.